La rareté de l’eau est une préoccupation croissante dans le monde entier dont la Tunisie, un pays soumis aux forces de la crise climatique, de la société de consommation et d’une gestion qui manque d’optimisation pour préserver ses ressources en eau.
Le fardeau d’épuisement des ressources
Selon l’OMS, il y a stress hydrique lorsqu’un habitant dispose de moins de 1 700 mètres cubes d’eau par an. Sous le seuil des 1 000 mètres cubes, on parlera de pénurie d’eau. Un seuil de loin dépassé par la Tunisie qui n’a que 420 mètres cubes par an par habitant. Une situation alarmante qui a commencé depuis 30 ans et elle est envisageable d’être de plus en plus prononcée dans les années qui suivent. Une situation due à la surconsommation des ressources mais essentiellement à la crise climatique qui a perturbé les variations pluviométriques et accentué les cycles de sécheresse.
30% des ressources en eau ont été épuisées depuis les années 80s, et 30% supplémentaires sont envisageables d’être épuisées d’ici 2050. Toutefois la situation du stress hydrique ne concerne pas seulement le manque des volumes d’eau mais aussi sa qualité et son accessibilité , un enjeu de base inscrit dans les objectifs du développement durable par les nations unies.
La Tunisie mobilise de 60 à 80% de ses ressources pour répondre à ses besoins, mettant le pays dans la situation du stress hydrique élevé voire “très élevé » vers 2040.
Selon le world resources institute
Source : World Resources Institute
L’agriculture : un secteur en seuil de pauvreté !
Le secteur agricole, secteur vital et déterminant de la sécurité alimentaire, avec une contribution de 10% dans le PIB, allant à 13 % du PIB national si on y ajoute l’industrie agroalimentaire.
L’impact du stress hydrique est certainement direct sur la production agricole, qui utilise 80% des ressources en eau. Le secteur perd chaque année 20 000 Hectares des terres fertiles, mettant en jeu la sécurité alimentaire tunisienne.
L’effet est d’autant plus important sur les cultures qui consomment plus d’eau comme le blé, les pommes de terre, l’oignon et les tomates, des cultures traditionnellement indispensables dans la consommation quotidienne qui risque de disparaître du marché local Tunisien.
Les percussions dépassent l’angle alimentaire et s’étendent vers un impact social direct sur au moins 14% de la population active qui travaille dans le secteur agricole. Environ 580 000 Tunisiens sont menacés par la perte de leurs emplois et l’exode climatique, potentiellement une augmentation du taux de pauvreté.
Une infrastructure défaillante
La situation de l’infrastructure nécessite un entretien en toute urgence , à titre d’exemple le stock d’eau de nos barrages qui en septembre 2022 ne dépasse pas les 33% par rapport à la capacité de ces derniers. Un manque à gagner qui est essentiellement dû à la quantité de sédiments qui remplit les barrages sans entretien.
La canalisation des eaux potables elle-même nécessite un entretien urgent, une canalisation ancienne qui présente des fuites :des pertes techniques et des pertes de réseau allant jusqu’à 35%.
Des solutions ..? Il est grand temps !
Gérer l’existant
Face à cette situation, nous pouvons agir sur trois piliers essentiels. D’abord et dans l’immédiat, un entretien de notre infrastructure déjà existante sera la priorité imminente par l’élimination des sédiments cumulés de nos barrages pour améliorer la capacité de la collecte des eaux pluviales. Dans le réseau de l’exploitation et de distribution des eaux, un travail sur les fuites et les pertes devra être réalisé, rattraper le manque à gagner est une urgence dans une situation de crise hydrique.
Retour aux origines
Le deuxième pilier concerne le retour aux origines qui peut être une potentielle solution pour l’agriculture, par l’utilisation des semences et les graines paysannes anciennes qui sont caractérisées par une consommation inférieure d’eau par rapport aux semences importées.
Des solutions domestiques anciennes doivent être remises en vigueur , notamment en matière de collecte des eaux de pluie par des réservoirs tel le “Mejel” devenait une nécessité dans chaque maison.
D’autres méthodes agricoles anciennes peuvent être adoptées, comme les “Oyas” ou la “Qolla” qui est une méthode qui remonte à l’ère carthaginoise, basée sur l’irrigation autonome et goutte à goutte par des pots en céramique microporeuse enfouies près des plantes. Le « Ramli » est aussi une technique de culture qui consiste à planter dans des parcelles sableuses de bord de mer. Utilisée avant par les Andalous pour faire face à l’importance accrue des pénuries d’eau.
L’avenir est la technologie et l’innovation
Le troisième pilier est l’orientation vers les nouvelles technologies, une orientation inéluctable pour optimiser la consommation d’eau notamment dans le secteur agricole. L’ IOT doit prendre place dans l’agriculture tunisienne pour réduire les pertes d’eau et augmenter la performance de productivité . Il s’agit du ‘’smart farming’’ dans les cultures ou encore les bâtiments d’élevage animal , un suivi tenant compte des différents paramètres naturels (chaleur, humidité, nature du produit agricole, cycle de production,..etc.) permet d’optimiser les quantités d’eau utilisées selon la demande en temps réel.
Une approche qui a été adopté dans plusieurs pays comme le Kenya et l’Inde et en entrain de sauver leur secteur agricole et ressources aquatiques
Des politiques nationales : à renforcer
Finalement, il est à noter qu’un système d’innovation sur le plan national doit être mis en place avec des politiques, des ressources et des structures nécessaires avec implication de toutes les parties prenantes sous une “ gouvernance aquatique ” pour gérer efficacement mais aussi durablement la crise de l’eau. Un enjeu d’une importance alarmante sur le plan agricole , économique, social, et qui peut s’étendre vers des pistes de conflits territoriaux s’il ne sera pas dans la tête de liste des priorités nationales immédiates.
Merci pour ce travail