Les abris climatiques : Un nouveau type de refuge dans un monde en réchauffement Par Hamdi Hached

Lorsque la chaleur devient insupportable et que l’air est trop lourd à respirer, où les gens peuvent-ils aller ?

Dans des villes comme Barcelone, Madrid, Paris, Vancouver et New York, une idée simple mais puissante fait son chemin : les abris climatiques. Il ne s’agit pas de bunkers ou de capsules high-tech. Il s’agit d’espaces familiers, d’écoles, de bibliothèques, de centres culturels, voire de salles de sport, temporairement ouverts au public pendant les vagues de chaleur, afin que chacun puisse se rafraîchir, s’asseoir, boire de l’eau potable et se sentir à nouveau en sécurité.

Ce n’est pas un luxe. Il s’agit de répondre à une urgence de santé publique.

Selon l’Organisation météorologique mondiale, 2024 a été l’année la plus chaude jamais enregistrée au niveau mondial, et l’Europe a connu des vagues de chaleur record qui ont fait plus de 175 000 victimes chaque année (source : WHO I August 2024 https://www.who.int/europe/news/item/01-08-2024-statement–heat-claims-more-than-175-000-lives-annually-in-the-who-european-region–with-numbers-set-to-soar)
Ces vagues de chaleur ne sont pas des anomalies. Elles sont de plus en plus fréquentes, de plus en plus intenses et de plus en plus dangereuses, en particulier dans les villes, où l’effet d’îlot de chaleur urbain peut faire monter la température de plusieurs degrés par rapport aux zones environnantes.

C’est pourquoi les refuges climatiques sont importants.

Ils sont conçus pour protéger les plus vulnérables : les personnes âgées, les personnes souffrant de maladies chroniques telles que les maladies cardiaques ou le diabète, les personnes qui vivent seules, celles qui n’ont pas accès à l’air conditionné et celles qui n’ont pas de domicile. À Barcelone, plus de 200 abris sont répartis dans la ville, à proximité des transports publics et ouverts à tous, sans pièce d’identité ni réservation. Chaque été, la ville de New York organise une campagne annuelle pour informer les habitants des centres de rafraîchissement situés à proximité, souvent dans des bibliothèques ou des centres communautaires.

Que proposent ces refuges ?

Climatisation, pour abaisser la température corporelle et prévenir les maladies liées à la chaleur

De l’eau potable, froide et propre, pour rester hydraté

Sièges et aires de repos confortables

Parfois même des soins médicaux de base ou un soutien émotionnel pour les personnes en détresse.

Mais au-delà du soulagement physique, ces espaces symbolisent quelque chose de plus profond : la justice climatique. Dans un monde en réchauffement, l’accès à la sécurité ne devrait pas dépendre des revenus ou des privilèges. Tout le monde mérite un endroit pour échapper à la chaleur.

C’est ce qui rend les abris climatiques si convaincants. Ils sont simples. Ils ne s’appuient pas sur des technologies de pointe ou des investissements d’un milliard de dollars. Ils demandent aux villes d’utiliser les espaces publics dont elles disposent déjà avec un nouvel état d’esprit. En été, une école peut devenir un refuge. Un gymnase peut devenir un lieu de repos. Une bibliothèque peut devenir une véritable bouée de sauvetage.

Pourtant, dans des pays comme la Tunisie, l’idée n’est toujours pas entrée dans les politiques publiques. Malgré des étés plus chauds et des risques sanitaires croissants, il n’existe pas d’abris climatiques officiels. Trop souvent, les autorités minimisent la menace avec une phrase familière : « Ne vous inquiétez pas, tout va bien ». Tout va bien. »

Mais ce n’est pas bien.

Selon l’Institut météorologique national de Tunisie, les températures estivales moyennes ont augmenté de 1,4°C au cours des trois dernières décennies, et des villes comme Tunis et Sfax sont désormais confrontées à des alertes de chaleur extrême chaque année. De nombreux quartiers, en particulier dans les zones les plus pauvres, n’ont pas d’espaces verts, pas de climatisation publique et un accès limité aux soins de santé. Pour des milliers d’habitants, rester à l’intérieur pendant une vague de chaleur ne suffit pas : leurs maisons emprisonnent la chaleur comme des fours.

Il s’agit là d’une véritable opportunité. Les municipalités tunisiennes, en collaboration avec la société civile, pourraient piloter des abris climatiques dans des bâtiments municipaux existants, juste pour quelques jours pendant les vagues de chaleur. Ces espaces ne se contenteraient pas d’offrir de l’air frais. Ils pourraient également réduire l’isolement social, le stress mental et l’anxiété climatique, qui sont des préoccupations croissantes à l’échelle mondiale. Le Lancet Countdown on Health and Climate Change (2023) souligne que les chaleurs extrêmes aggravent également la dépression et augmentent le nombre de visites aux urgences pour des problèmes de santé mentale.

Alors pourquoi attendre ?

Les abris climatiques ne sont pas un moyen de paniquer. Il s’agit de se préparer. Il s’agit de dire que face à la hausse des températures, notre meilleure réponse n’est pas l’indifférence, mais l’attention. Un abri climatique est un nouveau type de service public. Un acte de résistance discret contre l’idée que seuls les riches méritent d’être à l’abri et au frais.

Si les villes deviennent la ligne de front du changement climatique, alors peut-être que ces petits espaces simples, ces portes ouvertes, cette eau propre et cet air frais sont notre première véritable défense.

0
Show Comments (0) Hide Comments (0)
0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires